pakistan nouvelle voie ?

BISMILLAH

Bon appétit en Pakistanais.

 

Parfois, en style alpin, il ne reste plus que la montagne à se mettre sous la dent.

L’adage "Léger et rapide" se transforme souvent en "léger et misérable".

Après une semaine de bataille dans la voie des Slovènes à la tour sans nom de Trango,  cette 2ème aventure sent carrément le weight watcher.

Pourtant cette ligne s’offre  comme une belle table, pas plus grosse que notre ventre, peu de vomi en embuscade, un vrai dessert pour des gourmands heureux de profiter des mets rares  de la planète.

Usés du hissage et passés à l’usage,  nous vibrons à l’idée de pousser plus loin le glacier de Trango et les multiples vallées qui s’éparpillent çà et là.

Depuis le Trango BC, 2 jours d’errance derrière l’Ibex, au bord des crevasses qui attendent qu’on rêvasse, et par dessus les bédières, nous posons enfin la tente sur le glacier d'Hainabrak, à 4800, au pied de notre éperon nord, Bismillah.

La Shipton spire à proximité dévoile ses énormes faces.

Au sommet de notre éperon, un large col et une arête nous permettrons peut-être de rejoindre son sommet.

Nous avons pris le minimum de protections en pensant raisonnable, et juste ce qu’il faut de lyophilisés pour ne pas finir comme à l’intérieur du paquet.

La nuit à 3 dans une tente ascent relève du tétris, avec tellement de place autour !

Le 1er départ déclenche le 2ème coup du starter, il pleut.

Quand la grasse matinée remplace le combat, les soldats ne se plaignent pas.

Nous profitons alors de notre casse tête Chinois, puis d’une balade plus haut sur le glacier afin de mieux repérer notre itinéraire de descente, lequel nous inquiète un peu question orientation et chute de pierres.

Nous n'avons pas assez de matériel pour un aller-retour sur notre éperon.

Cela a l’air quand même pas mal, à faire tôt le matin, 800m à équiper entre glace et rocher.

Re-sardines et le 2ème réveil est le bon.

Les flèches de granite tout autour semblent toucher les étoiles.

Des pentes de neiges, nous gagnons une goulotte qui s’avère un bon moyen de progression malgré nos doutes vu de loin.

On enchaine par du rocher et du mixte, au plus facile, tant que cela ne ressemble pas à Gaza.

Ça se corse, le fil à droite devient lisse comme une fesse et on sent la montagne qui nous pousse dans une direction avec de moins en moins de possibilités.

Il faut se sortir d’une longueur difficile pour espérer mettre les crampons sur de la neige-glace entre rochers et séracs.

Ça passe, mais pas pour longtemps.

Il faut retourner sur le rocher avec toute l’incertitude d’un alpiniste sans topo.

Chaque longueur nous autorise à poursuivre, l’estomac serré.

De toute façon, on n’a pas grand chose à manger.

Bismillah, bon appétit.

On se rapproche de la fin du rocher globalement bon.

 Un dernier crux  nous oblige même à artifer sur un piolet, comme à la débrouille des candidats de Topchef.

On se retrouve alors au royaume des champignons de glace et des ices-fluts de champagne.

19h, l’heure du dîner, mais on est à la bourre même si le col se rapproche.

21h, on franchit enfin la corniche, après 16h de crapahut, pour découvrir une pente de neige bien en pente, tandis que l’on espérait l’horizontalité parfaite.

3 terrasses creusées plus tard, je n’arrive pas à abaisser les rythmes cardiaque et respiratoire, et j’ai des fourmis dans les bras.

C’est la 1ère fois que je me retrouve dans cet état à seulement 5600m d’altitude.

Dav et Scal passent à table tandis que je dévore le fond de mon duvet.

Bismillah, bon appétit.

Au matin ça va mieux, les fourmis se sont enfin fait la malle.

On va laisser de côté la tour du Shipton car le menu de descente nous file la courante.

 On ne veut pas être tard dans ce cirque de rocher et de glace, et on n’a ni le timing, ni la logistique de rester un jour de plus.

On se déplace sur l’arête jusqu’au départ repéré.

Ce doit être là, les lignes de fuite offrent ce que l’on attendait.

On enchaine les Abalakovs, puis on rejoint le rocher où il faudra subtilement jouer pour arriver à descendre avec nos 6 pauvres pitons.

A sec, on traverse un peu pour retrouver la glace.

On a passé midi et le soleil entame bien son office.

Des petites pierres aiguisées comme des couteaux fusent à balle en mode scie circulaire.

On essaie de trouver la ligne la plus à l’abri et finalement on saute la rimaye avec 1-0 pour le rocher contre Dav qui s’est fait tranché le petit doigt.

Le score nous va plutôt bien.

On rentre heureux à la tente dont Dav refusera l’accueil.

Tellement de place autour et puis on doit trop renifler des pieds.

On ne sait pas si on a ouvert une nouvelle voie.

En tout cas, on n’a pas trouvé de protection en place, ni à la montée, ni à la descente.

On l’appelle Bismillah, pour nous, ce ne pourrait être autrement. 800m/M4/6A/A1.

la montée :

la descente :

Le lendemain une grosse journée de labyrinthe sur les glaciers démontés nous ramène à Trango BC où Abbas, notre cuisinier attentif, nous accueillera chaleureusement, comme toujours avec le sourire, du tang et une montagne de délicieux Pakoras.

Bismillah, bon appétit à tous les étages, vive le Pakistan.